Nu - NU -LE CIEL PEUT ATTENDRE

 

2012

avec Jungle Jane
Polaroid

Exposition Thierry Vasseur / Dahmane
Galerie Detais
Paris 2012

Thierry Vasseur a commencé par être un célèbre inconnu. C’est lui qui imprime pendant douze ans leur style aux couvertures des romans d’espionnage SAS. Photographies de créatures sulfureuses ou faussement naïves armées d’automatiques ou de pm, en prolongement de leurs seins-obus ou de leurs cuisses-missiles.
Pourtant, le cœur de son œuvre, ce sont ces photos pop-art, qui semblent prédire un univers robotisé (nous y sommes presque : dans quelques années, un foyer sur deux aura son robot domestique, et les vieux leur « robot de compagnie ») ; mais ici c’est un univers pour se sentir gai, fort, beau joueur, imaginatif, désirant ; un univers où se mêlent robots-jouets, architectures fantastiques, véhicules de science-fiction, univers de comics, où survient et s’impose la femme, chair de la chair des rêves, chair parfois si fantasmée qu’elle en devient androïde… Est-ce une promesse de plaisir robotisé, éternellement disponible et dispensé, ou, au contraire, une échappée charnelle hors de la dictature des algorithmes ? La question est en suspens dans ce style enthousiaste pop-op-art techno-narratif.
Mais on peut aussi abandonner un moment cette inspiration centrale pour se laisser entraîner dans un envoûtant chemin de traverse : celui de ces petits polaroïds qui semblent issus d’une erreur technique, où la possible mauvaise qualité du support entraîne les sujets vers leur rapide disparition physico-chimique, quand soudain l’artiste intervient, et fige le processus d’effacement, sauvant dans une étrange atmosphère d’ouate ce qui devait être sauvé : les corps et les biens que l’on en peut espérer, d’autant plus désirables qu’ils furent promis à la destruction et que cette inquiétante promesse reste présente, désormais…
Pour l’accompagner, Thierry Vasseur a invité le photographe Dahmane, lui aussi intrigué ou fasciné par le corps féminin. Mais ici, la femme s’intègre avec une extraordinaire constance dans l’espace public. Que sa nudité soit partielle, discrète ou offerte jusqu’à la provocation, elle s’inscrit dans un champ de réseaux graphiques, de géométries qui sont celles de la rue, des immeubles, du carrefour, d’un bâtiment industriel, d’une galerie d’art, d’un parc en proie aux rigueurs de l’hiver, d’une tour contemporaine où elle joue la cariatide quasi invisible.
Quand elle ne défie pas l’establishment, la femme s’y intègre subtilement, à peine décelable en sa demi- ou entière nudité, plus furtive qu’un bombardier B2, triomphante parce qu’évanescente embuscade. On finirait par croire que la peau d’une femme fait partie du tissu urbain et qu’il faut désormais ouvrir l’œil lorsqu’on se promène dans une capitale, « où tout, même l’horreur, tourne aux enchantements », comme dit le poète. Regardez bien : l’art de Dahmane va loin dans la fusion de la chair avec les éléments de son espace. Cette femme qui se distingue à peine des sculptures auxquelles elle se mêle… ou bien, photo si élégante, ce corps dont le porte-jarretelles fait signe au même titre que les lettres tracées en graffitis sur le mur. Et si parfois Dahmane impose brutalement un corps où il n’a pas lieu d’être, regardez mieux : cette femme nue, si gaie devant la guérite de bois « Police Information Box », croise ses mains sur son sexe, reprenant le croisillon qui décore les deux fenêtres. Dans l’un et l’autre cas, motif d’architecture, motif décoratif…Tant de signes se font signe, inventant ensemble l’histoire commune de la femme et de la ville.
Jean-Pierre Maurel

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